Tante Zelda

 

— Bonjour tout le monde !

Le salut joyeux de tante Zelda s’adressait aux édredons entassés près de la cheminée et à leurs occupants.

412 se réveilla en sursaut, prêt à sauter de son grabat en trente secondes précises et à se ruer dehors pour se mettre en rang et répondre à l’appel. Il leva un regard effaré vers tante Zelda. Elle ne ressemblait pas du tout à son tortionnaire matinal habituel, un élève officier au crâne rasé qui prenait un plaisir sadique à balancer des seaux d’eau glacée sur les garçons qui ne bondissaient pas de leur lit à son entrée. La dernière fois que ça lui était arrivé, 412 avait dû dormir plusieurs nuits d’affilée sur une paillasse trempée.

Il se dressa avec une expression terrifiée, puis il se détendit un peu en voyant que Zelda n’avait pas de seau à la main. Au contraire, elle apportait des tasses de lait chaud et une montagne de toasts grillés et beurrés sur un plateau.

— Pas d’affolement, jeune homme, lui dit-elle. Recouche-toi et bois ton lait tant qu’il est chaud.

Elle tendit une tasse ainsi que la plus grosse tartine à 412, jugeant qu’il avait grand besoin de se remplumer.

412 se rassit, s’enveloppa dans son édredon et attaqua son déjeuner du bout des dents. Entre deux bouchées et deux gorgées de lait, il lançait autour de lui des regards pleins d’appréhension.

Tante Zelda prit place sur une chaise près de la cheminée et jeta quelques bûchettes sur les braises. Le bois ne tarda pas à s’enflammer. Satisfaite, elle tendit les mains vers les flammes pour les réchauffer. 412 l’examinait à la dérobée, pensant qu’elle ne le remarquait pas. Bien sûr, elle le remarquait. Mais elle avait l’habitude de s’occuper des créatures blessées et craintives, et elle ne voyait aucune différence entre 412 et les divers animaux du marais qu’il lui arrivait de soigner. En particulier, il lui rappelait un petit lapin apeuré qu’elle avait tiré des griffes d’un lynx des marais peu de temps auparavant. Cela faisait un bon moment que le lynx tourmentait le pauvre lapin, lui mordillait les oreilles et le jetait en l’air, savourant sa terreur avant de lui briser le cou, quand il l’avait lancé sur le chemin de Zelda par excès d’enthousiasme. La brave femme avait ramassé le lapin et l’avait fourré dans le grand sac qui la suivait partout avant de rentrer tout droit chez elle. Le lynx avait erré pendant des heures dans les environs, cherchant sa proie disparue.

Le lapin était resté plusieurs jours assis près de la cheminée, à l’observer comme le faisait à présent 412. Pourtant, songea-t-elle en activant le feu et en ayant soin de ne pas fixer le garçon pour ne pas l’effaroucher, il avait fini par se remettre. Elle était certaine que 412 en ferait autant.

De son côté, 412 la détaillait sans en avoir l’air : des cheveux gris et crêpelés, des joues roses, un sourire chaleureux, des yeux d’un bleu éclatant (des yeux de sorcière) à l’expression amicale... Il dut s’y reprendre à plusieurs fois pour bien voir sa robe en patchwork. Il n’aurait su dire quelle était sa taille, d’autant qu’elle était assise. Elle donnait l’impression de s’être glissée sous un chapiteau en patchwork et d’avoir sorti la tête par le haut pour regarder dehors. À cette idée, les coins de sa bouche se retroussèrent dans une esquisse de sourire.

Ce demi-sourire n’avait pas échappé à tante Zelda, qui en fut ravie. De toute sa vie, elle n’avait jamais vu un visage aussi émacié et effrayé chez un enfant. Son cœur se serrait quand elle tentait d’imaginer ce qu’il avait dû endurer. Elle avait entendu des rumeurs à propos de la Jeune Garde lors de ses visites occasionnelles au Port, mais elles étaient si affreuses qu’elle avait toujours hésité à y ajouter foi. Qui aurait pu traiter des enfants aussi mal ? A présent, elle commençait à soupçonner que ces histoires étaient plus proches de la réalité qu’elle ne l’avait cru.

Tante Zelda sourit à 412, puis elle se souleva de sa chaise avec un grognement d’aise et sortit en trottinant afin d’aller chercher plus de lait chaud.

Pendant son absence, Nicko et Jenna se réveillèrent. 412 s’éloigna un peu, car il gardait un cruel souvenir de son empoignade de la veille avec Jenna. Mais la petite fille se contenta de lui sourire et demanda d’une voix ensommeillée :

— Tu as bien dormi ?

412 fit oui de la tête et baissa le nez vers sa tasse presque vide.

Nicko se redressa, grommela un vague bonjour dans la direction de Jenna et 412, saisit une tartine et découvrit avec surprise qu’il était affamé. Tante Zelda revint et s’approcha de la cheminée, portant une cruche de lait chaud.

— Nicko ! s’écria-t-elle avec un sourire. On peut dire que tu as changé depuis la dernière fois où je t’ai vu. Tu n’étais encore qu’un bébé à l’époque où je rendais visite à ton papa et ta maman, à l’Enchevêtre. Ah ! C’était le bon temps...

Elle soupira et fit passer son lait à Nicko.

— Et voici notre Jenna, reprit-elle en souriant de plus belle. J’aurais tant aimé venir te voir. Mais les choses sont devenues difficiles après... certains événements. En tout cas, Silas a rattrapé le temps perdu et m’a tout dit sur toi.

La petite fille sourit d’un air timide, heureuse que Zelda l’ait appelée « notre » Jenna. Elle prit la tasse de lait chaud que la brave femme lui tendait et s’abîma dans la contemplation du feu.

Un silence satisfait s’installa, seulement troublé par les ronflements de Silas et Maxie à l’étage et les bruits de mastication en bas. Au bout d’un moment, Jenna, qui s’était adossée au mur, crut percevoir un faible miaulement à l’intérieur de celui-ci. Comme c’était impossible, elle en conclut qu’elle se trompait et l’ignora. Mais les miaulements continuèrent, de plus en plus véhéments, lui sembla-t-il. Elle colla l’oreille contre la pierre. Pas de doute, il y avait bien un chat en colère dedans.

— Il y a un chat dans le mur, dit-elle.

— Ah ! Ah ! Elle est bien bonne, celle-là, s’esclaffa Nicko.

— Ce n’est pas une blague. Il y a vraiment un chat dans le mur. Je l’entends miauler.

Tante Zelda sauta sur ses pieds :

— Juste ciel ! J’avais complètement oublié Bert. Jenna, mon chou, pourrais-tu lui ouvrir, je te prie ?

Devant l’air perplexe de Jenna, elle désigna du doigt une minuscule porte au pied du mur. Jenna tira le volet de bois et un canard furieux entra en se dandinant.

— Bert chérie, je suis désolée, s’excusa Zelda. Il y avait longtemps que tu attendais ?

Bert escalada la pile d’édredons d’une démarche mal assurée et s’installa près de l’âtre, tournant délibérément le dos à sa maîtresse pour montrer son mécontentement. Puis elle ébouriffa ses plumes. Zelda se pencha afin de la caresser.

— Je vous présente ma chatte, Bert.

Six yeux remplis d’étonnement se posèrent sur Zelda. Nicko avala son lait de travers et toussa. 412 fut déçu : il commençait à s’attacher à Zelda, et voilà qu’elle était aussi folle que les autres.

— Mais Bert est un canard, remarqua Jenna.

Il lui paraissait nécessaire de mettre les choses au point avant que l’un d’eux s’avise de rentrer dans le jeu de tante Zelda.

— Oui, en ce moment. Cela fait même un bon bout de temps qu’elle en est un. Pas vrai, Bert ?

Bert miaula.

— Voyez-vous, le fait de savoir voler et nager représente un avantage dans les marécages. Je n’ai encore rencontré aucun chat qui aime avoir les pattes mouillées, et Bert ne fait pas exception à la règle. Aussi a-t-elle décidé de devenir un canard afin de goûter aux joies de l’eau. Et c’est ce qui s’est passé. Hein, Bert ?

Bert ne répondit pas. En vraie chatte, elle s’était endormie devant le feu.

Jenna caressa ses plumes d’une main hésitante, curieuse de savoir si elles avaient gardé les propriétés d’une fourrure de chat. Mais elles étaient aussi lisses que des plumes de canard.

— Bonjour, Bert, murmura-t-elle.

Nicko et 412 ne dirent rien. Ni l’un ni l’autre n’allait s’abaisser à parler à un canard.

— Pauvre Bert, reprit tante Zelda. Elle reste souvent coincée dehors. Mais depuis que les bobelins des fagnes sont entrés par la chattière, je m’efforce de la maintenir fermée par un sort de verrouillage. Vous n’avez pas idée du choc que j’ai éprouvé quand je suis descendue ce matin-là. La pièce grouillait de ces sales petits monstres, comme si un torrent de boue l’avait envahie. Ils grimpaient aux murs, fourraient leurs longs doigts partout et me regardaient avec leurs petits yeux rouges. Ils ont dévoré tout ce qui pouvait l’être et cochonné le reste. Et bien sûr, dès qu’ils m’ont vue, ils se sont mis à pousser des hurlements stridents... (Elle frissonna.) Aujourd’hui encore, il me suffit d’y repenser pour avoir les dents agacées. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans Boggart. Il m’a fallu des semaines pour sauver mes livres de la boue, sans compter que j’ai dû refaire toutes mes potions. En parlant de boue, ça vous dirait de faire trempette dans la source chaude ?

Jenna et Nicko se sentirent beaucoup plus propres après que tante Zelda leur eut montré la source chaude qui jaillissait dans la petite cabane de bains derrière la maison. 412 avait refusé de les accompagner. Il s’était blotti près du feu, son bonnet rouge enfoncé sur la tête, chaudement emmitouflé dans sa veste de marin en mouton retourné. Le froid auquel il avait été exposé la veille l’avait pénétré jusqu’aux os et il lui semblait qu’il n’arriverait jamais à se réchauffer. Tante Zelda le laissa tranquille, mais quand Jenna et Nicko décidèrent de partir en exploration, elle le poussa dehors avec eux.

— Tiens, prends ça, dit-elle en tendant une lanterne à Nicko.

Nicko lui lança un regard perplexe. Qu’avaient-ils besoin d’une lanterne en plein jour ?

— C’est à cause du haar, expliqua tante Zelda.

— Le quoi ?

— Le haar, un brouillard de mer très fréquent dans la région. Il est partout autour de nous. (Zelda dessina un large cercle avec son bras.) Par temps clair, on aperçoit le Port d’ici. Aujourd’hui, le haar reste au ras du sol, de sorte que nous nous trouvons au-dessus de lui. Mais s’il lui prend l’envie de s’élever, il nous engloutira. Alors, croyez-moi, vous aurez bien besoin de cette lanterne.

Nicko prit la lanterne et ils se mirent en route à travers le haar qui s’étendait sur les marais tel un voile blanc et onduleux, laissant les adultes débattre de choses sérieuses au coin du feu.

Jenna marchait en tête, suivie de près par Nicko alors que 412 traînait en arrière. De temps en temps, un frisson s’emparait de lui et il regrettait de n’être pas resté près de la cheminée. Le climat doux et humide du marais avait eu raison de la neige, si bien que le sol était détrempé. Jenna avait emprunté un chemin qui les mena au fossé. A présent que la marée s’était retirée, celui-ci était presque à sec. Les flaques de boue qui tapissaient son lit étaient couvertes d’empreintes de pattes d’oiseaux et de quelques traînées sinueuses laissées par des serpents d’eau.

L’île de Draggen était longue d’environ quatre cents mètres. Vue d’en haut, elle avait l’aspect d’un gros œuf vert qu’on aurait coupé en deux et posé à la surface du marécage. Un sentier permettait d’en faire le tour en côtoyant le fossé. Jenna entreprit de le suivre, respirant à pleins poumons l’air frais et salin qui accompagnait le brouillard. Jenna aimait le haar qui les enveloppait. Grâce à lui, elle se sentait enfin en sécurité. Nul ne viendrait les chercher ici.

En plus des poules au pied marin que Jenna et Nicko avaient aperçues au lever du jour, ils découvrirent une chèvre attachée à un piquet parmi les hautes herbes ainsi qu’une colonie de lapins qui avaient creusé leurs terriers dans un talus. Zelda avait dressé une clôture tout autour pour les empêcher d’accéder à ses choux.

En longeant le sentier maintes fois battu, ils dépassèrent les terriers, traversèrent le carré de choux et firent plusieurs détours avant d’atteindre une mare boueuse qui s’étalait dans une dépression, entourée d’herbes d’un vert étonnamment vif. Jenna ralentit le pas.

— Tu crois qu’il y a des bobelins dedans ? murmura-t-elle à Nicko.

Quelques bulles crevèrent la surface de la flaque et il y eut un bruit de succion, comme si quelqu’un tentait d’arracher une chaussure de la boue. Jenna fit un bond en arrière, effrayée. La vase se soulevait avec de gros bouillons.

— Y f’rait beau voir !

La grosse tête brune du boggart apparut à la surface. Il battit plusieurs fois des paupières pour chasser la boue de ses yeux ronds et noirs et fixa les enfants d’un regard vague.

— B’jour, grogna-t-il.

— Bonjour, monsieur Boggart.

— Boggart suffit.

— Vous vivez ici ? reprit Jenna d’un ton poli. On ne vous dérange pas, au moins ?

— Ben, si. Je dors le jour. (Il cligna à nouveau les paupières et s’enfonça un peu dans la vase.) Mais pardi, vous pouviez pas l’savoir. Évitez juste de parler de ces maudits bobelins : leur nom suffit à me réveiller.

— Je suis désolée. Nous allons nous éloigner et vous laisser tranquille.

— Mouaaais...

Le boggart replongea dans la mare et disparut. Jenna, Nicko et 412 rebroussèrent chemin sur la pointe des pieds.

— Il était de mauvaise humeur, remarqua Jenna.

— Pas du tout, répondit Nicko. Je pense qu’il est toujours comme ça.

— Je l’espère.

Ils poursuivirent leur tour de l’île et parvinrent bientôt au « gros bout » de l’œuf vert, un monticule herbeux où de petits buissons épineux poussaient çà et là. Ils l’escaladèrent et firent halte pour observer le haar qui tournoyait au-dessous d’eux.

Jenna et Nicko avaient gardé le silence jusque-là pour ne pas réveiller à nouveau le boggart. Mais une fois au sommet de la butte, la petite fille demanda :

— Tu ne sens pas un truc bizarre sous tes pieds ?

— Maintenant que tu le fais remarquer, je ne suis pas très à l’aise dans mes bottes. Elles doivent être encore mouillées.

— Je parlais du sol. On dirait qu’il est...

— Creux, compléta Nicko.

— En effet.

Jenna tapa du pied. Le sol paraissait solide, même s’il avait quelque chose d’étrange.

— C’est sans doute à cause de toutes ces galeries de lapins, hasarda Nicko.

Ils descendirent du monticule sans se presser et se dirigèrent vers une grande mare au bord de laquelle se dressait un abri en bois pour les canards. Quelques volatiles les aperçurent et s’approchèrent d’une démarche dandinante, pour le cas où ils auraient apporté du pain.

— Hé ! s’écria soudain Jenna en cherchant 412 du regard. Où est-il passé ?

— Il est certainement rentré au cottage. Je ne crois pas qu’il apprécie beaucoup notre compagnie.

— Moi non plus, mais est-ce qu’on ne devait pas veiller sur lui ? Il à pu tomber dans la mare du boggart, à moins qu’un bobelin l’ait attrapé...

— Chut ! Tu vas encore réveiller le boggart.

— N’empêche qu’un bobelin pourrait l’avoir attrapé. On ferait bien de le retrouver.

— J’imagine que tante Zelda serait fâchée si on le perdait, fit Nicko d’un air peu convaincu.

— Moi aussi, je le serais.

— Ne me dis pas que tu l’aimes ? Je te rappelle que ce petit crétin a failli nous faire tuer.

— A présent, je sais qu’il ne l’a pas fait exprès. Il avait aussi peur que nous. Et puis, dis-toi qu’il a passé toute sa vie dans la Jeune Garde. Il n’a sans doute pas eu de papa et de maman comme nous... Je veux dire, comme toi.

— Idiote, la gronda Nicko. Tu as eu un papa et une maman, et tu les as toujours. Mais puisque tu y tiens, on va chercher ce morveux.

Jenna regardait autour d’elle, se demandant par où commencer, quand elle constata qu’elle ne distinguait plus le cottage. En réalité, elle ne distinguait plus rien à part Nicko, et encore était-ce parce que sa lanterne émettait une faible clarté rougeâtre.

Le haar s’était levé.

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